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Droit fondé en titre
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Le juge et l'utilisation de la force hydraulique : le cas des droits fondés en titre par Pierre CAMBOT - Professeur agrégé de droit public - Avocat
Mars 2008
« Les établissements fondés en titre sont des anomalies dont il faut hâter l'extinction » estimait le Président Kahn en 1966 (1). Force est de constater que plus de quarante années plus tard, l'éminent commissaire du Gouvernement (2) est démenti par la confirmation jurisprudentielle du caractère quasi perpétuel de ces droits.
Sont des établissements dits « fondés en titre » ou considérés comme ayant « une existence légale » (3), les établissements utilisant l'énergie hydraulique sur le fondement de titres antérieurs à la période révolutionnaire.
Plus précisément, et sans prétendre à l'exhaustivité, le droit applicable distingue les usines fondées en titre établies sur les cours d' eaux domaniaux de celles installées sur des cours d' eaux non domaniaux.
Pour le domaine public fluvial, c'est l'édit de Moulins qui, le 15 février 1566, a consacré le principe d'inaliénabilité des droits relevant du domaine public fluvial. Pour être fondées en titre, les usines installées sur le domaine public fluvial devront donc, à titre principal, être dotées d'un droit de prise d'eau antérieur à l'édit de Moulins, époque où le domaine de la Couronne était considéré comme aliénable. Cette règle doit néanmoins être nuancée à la marge.
Notamment, l'édit de Moulins n'étant pas doté d'une force rétroactive. il n'a pas pu être opposé à des droits acquis sur des territoires postérieurement à son édiction mais antérieurement au rattachement desdits territoires à la couronne française (4). A leur égard, c'est donc la date dudit rattachement et non celle de l'édit de Moulins qui marque le départ au-delà duquel un droit d'eau ne pourra pas être considéré comme fondé en titre. Par exemple, dès l'instant où le Béarn n'a été rattaché à la France qu'en 1620 (5), il a été jugé qu'un moulin établi sur une section domaniale du Gave d'Oloron-Sainte-Marie dont l'existence était attestée depuis mars 1585, c'est-à-dire, postérieurement à cet édit mais antérieurement au rattachement du Béarn au Royaume de France, devait être regardé comme fondé en titre (6).
Ensuite, par différents textes confiscatoires (7), l'Etat révolutionnaire a pris possession des biens ecclésiastiques comme de ceux des hospices ou de ceux des émigrés. Considérés comme intangibles sauf consentement de la Nation sous l'empire de la loi des 22 novembre et 1er décembre 1790, ces biens furent finalement mis à la vente pour financer la Révolution. Ces ventes nationales furent ensuite considérées comme inviolables tant par la Constitution du 22 frimaire an VIII que par la Charte de 1814. D’un point de vue jurisprudentiel, après quelques hésitations (8), le juge administratif renonça finalement à distinguer, parmi les usines vendues, celles disposant de titres antérieurs à 1566 de celles autorisées ou simplement tolérées postérieurement à cette date. Il en résulte que tous les établissements disposant d'un droit d'eau sur le domaine public et vendus comme biens nationaux doivent être considérés comme fondés en titre indépendamment de la date du titre en ayant originellement autorisé l'exploitation (9).
Le législateur contemporain a rejoint le juge puisqu'il considère, son tour, à l'article L.3111-2 du Code Général de la propriété des personnes publiques (CG3P) que « le domaine public maritime et le domaine public fluvial sont inaliénables sous réserve des droits et des concessions régulièrement accordés avant l'édit de Moulins de février 1566 et des ventes légalement consommées de biens nationaux ». Preuve de leur prégnance sur le domaine public, les établissements fondés en titre ne sont pas même assujettis au paiement des redevances domaniales (10).
Pour ce qui est, ensuite, de l'établissement des usines sur des cours d'eau non domaniaux, sera d'abord considérée comme fondée en titre l'usine ayant été établie avant l'abolition du régime féodal le 4 août 1789 et plus spécialement avant la loi du 20 août 1790 qui plaçait les petits cours d'eau sous l'autorité réglementaire (11). Sous l'ancien régime, en effet, la jouissance ou l'usage des rivières non navigables ni flottables appartenait aux seigneurs féodaux, ces derniers pouvant même les concéder à des tiers sous la forme de contrats d'albergements. Or, l'abolition du régime féodal n'a pas affecté les droits exercés ou consentis par les seigneurs en la matière et les dits droits ont survécu à l'ancien régime pour recevoir la qualité de droits fondés en titre (12).
En outre, les usines confisquées puis vendues par l'Etat révolutionnaire doivent, elles aussi, être considérées comme fondées en titre (13) et ce, même si elles ont été établies postérieurement à la loi du 20 août 1790.
Enfin, on peut relever que si certains litiges existaient quant à la situation légale d'une usine avant sa vente comme bien national, son aliénation en cette qualité suffit à régulariser son existence (14).
Les droits de prise d'eau des usines fondées en titre se présentent donc comme autant de brèches ouvertes dans le droit commun de l'utilisation de la force hydraulique. C'est ainsi que les articles 644 et 645 du code civil, la loi du 8 avril 1898 sur le régime des eaux, la loi du 16 octobre 1919 soumettant l'utilisation de l'énergie hydraulique à autorisation administrative comme le code de l'environnement ou le CG3P ont tous reconnu la spécificité des droits fondés en titre. De manière symbolique, l'article L.210-1 du code de l'environnement qui ouvre le Titre du code de l'environnement consacré à l'eau et aux milieux aquatiques prévient que ce n'est que « dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, (que) l'usage de l'eau appartient à tous ».
Il en résulte, à titre principal, que les titulaires de ces droits sont dispensés, notamment en vertu de l'article 29 de la loi du 16 octobre 1919 (15) ou de l'article L. 214-6-II du code de l'environnement (16), de solliciter auprès de l'administration l'autorisation d'établir une prise d'eau aux fins d'utiliser la force hydraulique (17).
Ce régime juridique si particulier perturba quelque peu la doctrine et le juge au moment de qualifier ces droits. Après quelques hésitations, les droits fondés en titre sur le domaine public fluvial furent finalement qualifiés par la doctrine de droits réels administratifs (18) - bien avant que le législateur contemporain ne vienne en développer la notion (19) – en ce qu'ils grèvent le domaine public d'un droit opposable à l'administration doté d'une valeur patrimoniale, transmissible à titre onéreux et susceptible d'être vendu ou transmis par voie successorale voire d'être apporté en garantie auprès d'un établissement de prêts. Dans le même sens, sur les cours d'eau non domaniaux, ces droits sont, de manière plus classique, appréhendés comme des droits réels immobiliers tant par le juge administratif que par son homologue judiciaire (20).
Or, eu égard aux enjeux économiques induits par la disposition de la force hydraulique, la question des droits fondés en titre est loin d'être anecdotique. Surtout, depuis la loi du 8 avril 1946 (art. 8) telle qu' elle a été développée par le décret n°55-662 du 20 mai 1955, Electricité de France a l'obligation d'acheter la production autonome d'électricité à la condition toutefois que l'entreprise productrice soit régulièrement autorisée ou concédée (21). Parallèlement, la remise en eau de moulins à de simples fins d'agrément connaît un véritablement engouement soutenu par des réseaux associatifs particulièrement dynamiques. Il en résulte que les motifs pour remettre un moulin en eau sont aussi nombreux que légitimes et souvent porteurs d'intérêts économiques non négligeables.
Cette remise en eau est toutefois de nature à heurter les intérêts des pêcheurs, riverains, irrigants ou associations de protection de l'environnement de la même façon qu'elle peut inquiéter l'administration parfois suspicieuse à l'égard de ces prises d'eau dispensées d'autorisation. Inévitablement, ces conflits d'intérêt ne manquent pas de nourrir d'importants litiges qu'il appartiendra au juge - souvent administratif - de trancher. Dans ce cadre, la fonction du juge sera triple :
_ il devra d' abord confirmer l'existence légale de la prise d'eau (I)
_ il devra, ensuite, vérifier si cette prise d'eau est conforme à sa consistance légale, c'està-dire, si la puissance hydraulique captée n'a pas varié depuis l'acquisition des droits (II)
_ il devra, enfin, apprécier la légalité de l'exercice des pouvoirs de police administrative à l'égard des usines fondés en titre (III).
I - L'existence légale de la prise d'eau :
Le pragmatisme jurisprudentiel dans l'appréciation de l'existence du droit fondé en titre Le juge administratif est bien magnanime au moment d'apprécier l'existence du droit fondé en titre. En effet, ni l'inexistence matérielle du titre ni le délabrement des ouvrages relatifs à la prise d'eau ne seront suffisants pour contrarier la reconnaissance de ce droit.
I-1 – Un titre ancien qui est parfois présumé
Dans les litiges portant sur l'existence du droit fondé en titre, la difficulté principale de l'usinier va consister à produire le titre nécessairement vieux de plusieurs siècles sur le fondement duquel il exploite la prise d'eau en cause. Pour des motifs ci-dessus exposés, cette difficulté est évidemment particulièrement ardue encore pour les prises d'eau installées sur le domaine public fluvial.
Dans de nombreux cas, en effet, les siècles écoulés auront fait disparaître l'acte fondateur du droit.
En ce cas, l'hypothèse la plus favorable pour l'exploitant demeure celle où son moulin a été vendu comme bien national au moment de la Révolution. Il parviendra ainsi généralement à produire l'acte de séquestre et de vente dudit moulin qu'il pourra même retrouver dans les archives départementales.
Mais, même dans un tel cas, il pourra s'avérer parfois délicat de retrouver un acte vieux de plus de deux siècles.
Dans tous les cas, toutefois, le juge administratif se garde de tout formalisme. Il considère, en effet, que la seule preuve de l'existence du moulin avant l'abolition des droits féodaux ou l'édiction de l'édit de Moulins suffira à présumer l'existence légale de la prise d'eau. En d'autres termes, dans ce type de litiges, « l'existence légale se déduit de l'existence matérielle » du moulin concerné (22). Pour ce faire, l'exploitant dispose de tous les moyens de preuve à sa disposition. Il pourra notamment produire des cartes anciennes telles que des plans terriers ou les cartes Cassini (23) sur lesquelles la prise d'eau pourra être localisée. De même, il pourra faire état d'actes de vente mentionnant cette dernière.
Plus encore, le juge administratif ne verra pas même dans le déplacement de l'ancien moulin un élément défavorable à la reconnaissance de l'existence légale du droit d'utiliser la force hydraulique.
La reconstruction du moulin (24) – notamment après sinistre – le déplacement de celui-ci pour des raisons d'opportunité (25) voire la construction de deux moulins en lieu et place de l'unique usine originelle (26) n'auront donc pas pour effet de rendre caduc le titre fondant le droit d'usage. En d'autres termes, le droit d'usage est aussi indépendant du bâtiment en place au jour du litige. Enfin, même si du fait du non-usage du moulin ou de la perte dans les mémoires de l'origine de la prise d'eau, une autorisation administrative a été sollicitée et délivrée, cette dernière n'interdit nullement à l'usinier de « redécouvrir » ses droits fondés en titre pour se dispenser de toute autorisation ultérieure (27).
I-2 – Un titre ancien qui ne disparaît pas par le non-usage
A supposer que l'existence du moulin à l'époque requise soit avérée, le juge administratif doit, parfois, se prononcer sur le sort des droits fondés en titre qui ne sont plus exercés par leur bénéficiaire. De nombreuses prises d'eau ont, en effet, été réactivées après une longue période d'inactivité tant à des fins d'agrément que pour des motifs économiques. L'administration comme les utilisateurs de l'eau se sont donc trouvés confrontés à des propriétaires remettant en eau des ouvrages inutilisés depuis plusieurs décennies et souvent dans des états proches de la ruine. Les litiges n'ont pas manqué de naître, l'administration ayant parfois tendance à arguer de la caducité des droits fondés en titre du fait de leur non-utilisation prolongée. La doctrine administrative a même été validée par certains juges du fond (28).
Tel n'est toutefois pas l'avis des juridictions suprêmes. Par trois arrêts récents et successifs, le Conseil d'Etat a rappelé que « ni la circonstance que ces ouvrages (hydrauliques) n'aient pas été utilisés en tant que tels au cours d'une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit de prise d'eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls à remettre en cause la pérennité de ce droit » (29).
La Cour de cassation n'est pas d'un autre avis lorsqu'elle estime que la perte d'un droit d'usage d'eau ne se présume pas du non-usage de celui-ci tant que les propriétaires n'ont pas expressément renoncé à l'exploitation d'un moulin (30). Elle rappelle en la matière que « la renonciation à un droit ne se déduit pas de la seule inaction de son titulaire et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer » (31).
Néanmoins, prévient le Conseil d'Etat dans ses arrêts précités, la force motrice produite par les eaux courantes ne peut faire l'objet que d'un droit d'usage et en aucun cas d'un droit de propriété. Il en résulte, pour la Haute Juridiction, qu'un « droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d'eau n'est plus susceptible d’être utilisée par son détenteur du fait de la ruine ou du changement d'affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d'eau ».
Là encore, le juge administratif, en dépit des termes de sa jurisprudence, est plus bienveillant qu'il n'y paraît à l'égard des usiniers. D’une part, ainsi qu'évoqué précédemment, l'état de délabrement des bâtiments est indifférent, seul l'état des ouvrages d'amenée et de restitution de l'eau étant pris en considération. D’autre part, le juge administratif n'exige nullement que les biefs, canaux et autres digues soient en état de fonctionner. Il apprécie, en fait, si « la force motrice de l'ouvrage subsiste pour l'essentiel ». Il en découle que, sans que cela n'affecte le titre dont peut se prévaloir l'usinier, des digues pourront être partiellement détruites, des canaux obstrués ou envahis par la végétation (aff. Laprade), des étangs asséchés et encombrés de débris (aff. Sablé) ou des ouvrages partiellement délabrés (aff. Arriau). Ce n'est donc que si la remise en état des ouvrages hydrauliques suppose des travaux considérables quasiment équivalents à une reconstruction que le juge estimera que le droit fondé en titre sera perdu.
Pour prétendre bénéficier d'un droit fondé en titre, l'usinier devra, en outre, démontrer qu'il n'a pas modifié la consistance légale de la prise d'eau, c'est-à-dire, qu'il n'a pas accru le volume d'eau octroyé à l'origine.
II - La bienveillance jurisprudentielle dans l'appréciation de la consistance légale de la prise d'eau :
A l'égard du volume d'eau dérivé, le temps écoulé depuis l'octroi du titre en cause est lui aussi source d'incertitudes. Le juge administratif n'en tient pas rigueur à l'usinier et propose, là encore, des « arbitrages » bienveillants à son égard.
II-1 – Le recours à des faisceaux d'indice qui ne sont pas défavorables à l'exploitant
Eu égard au temps écoulé voire à l'imprécision des titres produits, il est souvent difficile voire impossible pour un exploitant de déterminer avec précision la puissance motrice originellement octroyée. Tout dépassement de cette puissance fait pourtant basculer l'usinier sous l'empire de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique et lui impose de solliciter une autorisation administrative. Il est donc essentiel que puisse être reconstitué le volume d'eau attaché au titre dont se prévaut l'exploitant. A cette fin, des repères sur les berges comme des expertises réalisées à partir des ouvrages existants (32) pourront utilement être proposés à l'administration voire au juge administratif.
A ce sujet, là encore, celui-ci a une approche relativement souple de la question. Il admet notamment que puissent être utilisées comme référence les indications administratives réalisées, notamment à l'occasion de la reconstruction des moulins au 19ème siècle, en postulant que la remise en état de ces moulins s'était réalisée à puissance constante (33).
De manière générale, le juge administratif tient cas des « documents, établis à une date la plus proche de celle reconnaissant les droits fondés en titre et permettant de déterminer le caractère certain et non présumé des équipements ainsi que la puissance hydraulique utilisable à partir des vannes existant à cette époque »
(34). Plus encore, le juge administratif présumera que la consistance actuelle de la prise d'eau est conforme à la consistance originellement fixée dès lors que l'administration ne pourra faire état d'aucun aménagement postérieur susceptible d'avoir augmenté la quantité d' eau mise à disposition lorsque l'usine a acquis son existence légale (35).
La charge de la preuve est donc renversée ce qui, évidemment, n'est pas défavorable aux intérêts des exploitants.
Il n'en demeure pas moins que c'est souvent en produisant les différentes autorisations administratives ayant jalonné l'existence d'un moulin que l'administration parviendra à en reconstituer l'histoire et à démontrer que celui-ci a connu une augmentation de puissance depuis sa création pour en améliorer le rendement (36).
Dans le même sens, la constatation d'importants travaux ayant changé la nature de l'ouvrage pourront aussi amener le juge à constater le changement de consistance légale (37). Néanmoins, le juge administratif exerce un contrôle qualitatif qui dépasse la seule prise en compte de la puissance de l'usine considérée.
II-2 – l'accroissement de la puissance de l'installation n'est pas incompatible avec le maintien des droits fondés en titre.
Tout d' abord, la puissance peut être augmentée sans que la consistance légale n'en soit affectée. En effet, de manière classique, le juge administratif considère que n'a pas à être soumise au régime de l'autorisation ou de la concession fixé par la loi du 16 octobre 1919, l'usine qui a amélioré son rendement par la mise à profit de progrès techniques sans pour autant accroître la force motrice dont elle pouvait légalement disposer (38).
Cette solution a même été étendue aux hypothèses où les aménagements réalisés affectent non pas l'outillage intérieur mais les ouvrages extérieurs du moulin (39).
Ensuite, si une entreprise a été au-delà de sa consistance légale et se voit désormais soumise à la législation de 1919, ladite consistance n'est pas pour autant frappée de caducité. De fait, les droits fondés en titre ne s'inclinent pas complètement devant le régime légal et doivent, à l'inverse, se combiner avec celui-ci. C’est ainsi que, de manière classique, le juge administratif considère que la consistance légale procédant du titre fondateur doit être déduite de la puissance motrice globale pour déterminer si l'entreprise est soumise au régime de la concession ou de la déclaration (40). A contrario, il faut admettre qu'un retour à la consistance légale d'une usine permettra à cette dernière d'échapper à nouveau au régime de la loi du 16 octobre 1919.
En dépit des développements précédents, il ne faut pas pour autant en déduire que les usiniers, disposant de droits fondés en titre, évoluent dans une zone de non-droit hermétique aux considérations d'intérêt général. En effet, s'ils sont dispensés d' autorisation, ils sont, à l'inverse, exposés comme leurs homologues dotés d' autorisations de droit commun à l'ensemble des pouvoirs de police administrative permettant de concilier les différents intérêts en jeu dans le cadre de l'utilisation de l'eau. A cet égard, l'office du juge administratif sera plus classique et aura pour objet d'apprécier la légalité des mesures de police administrative à l'égard des droits fondés en titre.
III - la pondération jurisprudentielle de l'exercice des pouvoirs de police administrative à l'égard des droits fondés en titre
III-1 – La faculté administrative d'imposer des sujétions nouvelles aux usines fondées en titre
De manière traditionnelle, la jurisprudence administrative a toujours considéré que « l'administration a le droit de régler dans un but d'utilité générale et pour assurer le libre écoulement des eaux, le régime des moulins établis sur les rivières et (que) ce droit s'applique aussi bien aux moulins établis avant 1789 qu'à ceux dont l'établissement est postérieur à cette date » (41).
Le législateur a, ensuite, pris le relais pour confirmer que les droits fondés en titre ne réduisaient pas à néant les pouvoirs de l'administration en charge de l'intérêt général. C’est ainsi que l'article L.215-7 du code de l'environnement tel qu'il est issu de l'article 109 du code rural (42) relève que « l'autorité administrative est chargée de la conservation et de la police des cours d'eau non domaniaux. Elle prend toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux. Dans tous les cas, les droits des tiers sont et demeurent réservés »
Dans le même sens, l'article L.215-8 du code de l'environnement précise que « le régime général de ces cours d'eau est fixé, s'il y a lieu, de manière à concilier les intérêts des diverses catégories d'utilisateurs de leurs eaux avec le respect dû à la propriété et aux droits et usages antérieurement établis, après enquête d'utilité publique, par arrêté du ministre dont relève le cours d'eau ou la section du cours d'eau ».
Par ailleurs, l'article L.2132-6 du CG3P, tel qu' il est issu de l'article 27 du code du domaine public fluvial, signale que « nul ne peut construire ou laisser subsister sur les rivières et canaux domaniaux ou le long de ces voies, des ouvrages quelconques susceptibles de nuire à l'écoulement des eaux ou à la navigation sous peine de démolition des ouvrages établis ou, à défaut, de paiement des frais de la démolition d'office par l'autorité administrative compétente ».
C’est, sur ces fondements, que le juge administratif a pu considérer qu'était légale la décision n'autorisant la remise en état d'une usine fondée en titre qu'à la condition que la hauteur du barrage soit abaissée d'un mètre afin de prévenir les inondations (43) alors même que, hors cette hypothèse, le barrage aurait pu, semble-t-il, être reconstruit sans autorisation.
De même, sera légal l'arrêté prescrivant la suppression d'un vannage sur un moulin fondé en titre au motif que les débris du bief faisaient obstacle au libre cours des eaux en période de crues (44).
La préservation du milieu aquatique fait, pour sa part, l'objet de dispositions spécifiques susceptibles d'avoir des retentissements sur l'exploitation des usines fondées en titre et le juge administratif estime, de manière générale, que « les règles applicables à l'exploitation (des) ouvrages (hydrauliques) sont susceptibles d'être changées à tout moment pour la sauvegarde d'intérêts propres au domaine qu'ils occupent, au nombre desquels figure la protection du milieu naturel » (45).
Ainsi, l'article L.214-18 du code de l'environnement précise que « tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite ». Cette obligation, conformément au § 4 de la même disposition, pèse de la même façon sur les installations en activité au moment de l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 2006.
Dans le même sens, et de manière générale, l'article L.432-6 du code de l'environnement, à la suite de l'article L.214-17 du même code, impose que « dans les cours d'eau ou parties de cours d'eau et canaux dont la liste est fixée par décret, après avis des conseils généraux rendus dans un délai de six mois, tout ouvrage doit comporter des dispositifs assurant la circulation des poissons migrateurs.
L'exploitant de l'ouvrage est tenu d'assurer le fonctionnement et l'entretien de ces dispositifs (…) » (46).
Sur ces fondements, le juge administratif affirme ainsi sans nuance que « dans l'exercice de ses pouvoirs de police de l'eau, l'Etat peut imposer à l'exploitant de toute installation existante, y compris fondée en titre, des conditions destinées à préserver les milieux naturels aquatiques » (47).
Par ailleurs, l'article L.215-10 I bis dispose que, à compter du 1er janvier 2014, en application des objectifs et des orientations du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, sur les cours d'eau classés au titre du I de l'article L.214-17, les autorisations ou permissions accordées pour l'établissement d'ouvrages ou d'usines peuvent être modifiées, sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses pouvoirs de police, dès lors que leur fonctionnement ne permet pas la préservation des espèces migratrices vivant alternativement en eau douce et en eau salée. Cette disposition en vertu de l'article L.215-10 II est expressément applicable aux établissements ayant une existence légale.
Enfin, indépendamment de l'exercice de pouvoirs inhérents à la police de l'eau, l'administration peut être amenée à modifier la force hydraulique d'une installation notamment en réalisant des ouvrages publics à proximité de cette dernière. En ce cas, l'application du droit commun de la responsabilité administrative amènera la personne publique à indemniser l'usinier soit sur le fondement de la responsabilité sans faute lorsque la victime est un tiers par rapport à l'ouvrage (48) soit sur le fondement de la responsabilité pour faute lorsque l'ouvrage réalisé souffre d'un défaut d'entretien (49).
III-2 – La faculté administrative de supprimer les usines fondées en titre
De manière radicale, l'article L.215-10 I° du code de l'environnement tel qu'il s'est trouvé substitué à l'article 109 de l’ancien code rural précise que les autorisations ou permissions accordées pour l'établissement d'ouvrages ou d'usines sur les cours d'eaux non domaniaux peuvent être révoquées ou modifiées sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses pouvoirs de police s'il intervint dans les hypothèses suivantes limitativement énumérées par cette disposition :
_ salubrité publique et notamment nécessité d'approvisionnement en eau potable
_ prévention ou interruption des inondations
_ réglementation générale visée à l'article L.215-8 c. env.
_ ouvrages établissant ou réglant le plan d'eau ou les établissements ou usines qui, à dater du 30 mars 1993, n'auront pas été entretenus depuis plus de vingt ans.
Aux termes de l'article L.215-10-II, ces prérogatives intéressent, là encore, les « établissements ayant une existence légale » (50). A contrario, ce n'est donc que, hors des hypothèses visées par l'article L.215-10, que la modification ou la suppression d'une usine fondée en titre emportera droit à indemnisation au profit de son exploitant.
Sur les cours d'eau domaniaux, à l'inverse, les établissements fondés en titre bénéficient d'une situation privilégiée en sens que l'article L.2124-9 du CG3P indique que « les prises d'eau mentionnées à l'article L.2124-8 et autres établissements créés sur le domaine public fluvial, même avec autorisation, peuvent toujours être modifiés ou supprimés. Une indemnité n'est due que lorsque les prises d'eau ou établissements dont la modification ou la suppression est ordonnée ont une existence légale » (51). Les moulins fondés en titre ont donc ici une situation préférentielle puisque seule leur catégorie bénéficiera d'une indemnisation en cas de modification ou de suppression de leur prise d'eau et ce, quel qu'en soit le motif.
Au final, en dépit de leurs spécificités, les droits fondés en titre sont parvenus, au terme d'une lente maturation législative et jurisprudentielle, à trouver leur place au sein de l'ordonnancement juridique national. Le point d'équilibre semble même aujourd'hui trouvé entre la préservation des intérêts de leur titulaire par la confirmation du caractère quasi-perpétuel de ces droits et la nécessaire prise en compte de l'intérêt général au travers de l'exercice des pouvoirs de police par l'administration. Le commissaire du Gouvernement Kahn, plus de quarante ans plus tard, n'émettrait donc pas nécessairement le même avis que celui formulé en 1966.
1 J. Kahn, concl. sous CE, 18 mars 1966, Etchegoyen, CJEG, juin, 1967 ; JCP, G, 1966, II, 14750 note J. Dufau.
2 B. Pacteau, « Jean Kahn (1922-2006) », AJDA, 2006, p. 1977.
3 Les textes législatifs emploient généralement l'expression « existence légale » : art. 29 de la loi du 16 octobre 1919 ; art. 45 de la loi du 8 avril 1898.
4 Sur la dimension historique de la question, voir, notamment, P. Magnier, Le droit des titulaires d'usines hydrauliques fondées en titre, Thèse, Recueil Sirey, 1937, pp. 5/s.
5 Rattachement du Béarn et de la Bigorre à la France par l'édit d'annexion du 20 octobre 1620.
6 CE, 25 mai 1990, Mayrac, req. n° 62978, Les Petites Affiches, 30 janvier 1991, chr. Holleaux, p. 9.
7 Décrets des 2 et 4 novembre 1789, des 9 et 12 février, 30 mars et 8 avril 1792.
8 Dans un premier temps, le juge refusa la qualification d'établissement fondé en titre aux usines autorisées ou établies postérieurement à 1566. En ce sens, CE, 11 mai 1838, Berteau.
9 En ce sens, par exemple, CE, 24 janvier 1919, Lelièvre, Rec., p. 72 ; CE, 22 décembre 1933, Sté Glace et Oxygène d'Amiens, Rec., p. 1226. Peuvent aussi être considérées comme étant fondées en titre les usines comprises dans les fondations ou dotations faites au profit des églises et établissements ecclésiastiques avant 1683 ou les usines ayant fait l'objet de contrats d' engagement au sens de l'ordonnance de Moulins. A ce sujet, P. Magnier, op. cit., pp. 14/s. Sur la question, A. Mestre, « Le régime juridique des usines fondées en titre », DH, 1930, chron., p. 57. Pour un rappel historique, voir, aussi, Ph Billet, « Preuve de la consistance légale d' un droit fondé en titre et obligations de travaux de mise en conformité », La semaine juridique – Administrations et Collectivités territoriales, n°38, septembre 2006, 1210.
10 CE, 14 février 1958, Bonnard, AJDA, 1958, II, p. 441. Toutefois, les exploitants d'usines fondées en titre ne sont pas pour autant exonérés des redevances perçues par les agences de bassin qui constituent des impôts indépendants du régime de propriété des eaux. CE, 17 février 1989, Ass. Synd. des arrosants du canal du Béal du moulin de Senas c/ Agence financière de bassin Rhône-Méditerranée-Corse, concl. B. Martin-Laprade, RFDA, 1990, p. 271. Cela vaut aussi bien pour les prélèvements sur un cours d'eau domanial (CE, 28 janvier 1987, req. n°55214) que sur un cours d'eau non domanial (CE, 1er juin 1988, n°76129).
11 A propos des cours d'eau non domaniaux mais auxquels a été étendu le régime de la domanialité publique postérieurement à la date d'établissement de la prise d'eau et à l'abolition des privilèges et droits féodaux par la loi du 20 août 1790, CAA Bordeaux, 14 juin 2001, Société Barthier et Société Continental Paper, req. n°97BX02208 qui considère que l'extension du régime de la domanialité publique est sans influence sur la naissance d'un droit fondé en titre.
12 CE, 22 novembre 1851, Cie du Canal de la Sambre et de l'Oise, S., 52.II.157 ; CE, 29 novembre 1851, Rouyer, S., 1852.II.157 ; CE, 18 juin 1852, Roussille, Rec., p. 249. La Cour de cassation, pour sa part, s'est alignée sur le juge administratif, Cass. 1ère civ., 17 juillet 1866, Etat c/ Grimardias, DP, I, p. 391.
13 CE, 15 mars 1844, Glais-Bizoin, Rec., p. 149 ; CE, 23 décembre 1904, Rieffel, Rec., p. 883.
14 En ce sens par exemple, CE, 13 juillet 1866, Launoy. Pour un exemple plus récent, CE, 25 mai 1990, Andrieu et Ratery, req. n°84813, LPA, 30 janvier 1991, p. 9.
15 Art. 29 de la loi du 16 octobre 1919, « Les usines ayant une existence légale ne sont pas soumises aux dispositions des titres I et V de la présente loi »
16 Art. L. 214-6-II c. env. : « Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre ».
17 Dans le même sens, à propos d'un permis de construire d'une centrale hydroélectrique, CAA Bordeaux, 30 juillet 2001, Min. de l'équipement, des transports et du logement et Eurl Hydropic, req. 99BX00770.
18 Sur ce sujet, voir, par exemple, J.-P. Rougeaux, « Les prises d'eau « fondées en titre » », CJEG, 1973, p. 381 et notamment pp. 387-390 citant Mestre, note sous T. civ. Seine, 27 février 1935, S. 1936 II, 146).
19 loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 et loi n° 94-631 du 25 juillet 1994.
20 Cass. 3e civ., 21 novembre 1984, Brugère. Voir aussi, Cass. 3e civ., 10 juin 1981, Bernège, n° pourvoi : 80-10428 et 80-10429, CJEG, 1982, p. 21, qui estime que « l'état actuel de délabrement du bâtiment n'avait pas dépouillé de leur caractère immobilier les droits d'eau qui y étaient attachés ».
21 Décret n°93-925 du 13 juillet 1993 faisant suite au décret du 7 février 1986 pris en application de la loi du 19 juin 1984. A l'inverse, si tel n'est pas le cas, le défaut d'autorisation peut amener le préfet à suspendre, voire à résilier le contrat d'achat, CE, 7 décembre 1998, Sté Hydro-mécanique, Rec., p. 929 ; CJEG, 1999, jur. p. 283, note P. Sablière
22 Y. Aguila, concl. sur CE, 7 février 2007, M. et Mme Sablé, RFDA, 2007, p. 494.
23 Les cartes réalisées par la famille Cassini ont été établies à partir de relevés établis entre 1756 et 1789. Elles rendent donc compte fidèlement des moulins existant à l'époque immédiatement prérévolutionnaire.
24 Par exemple, CAA Bordeaux, 4 décembre 2003, Min. de l'aménagement du territoire et de l'environnement c/ Sté Hydroélectrique de Lacave, req. n° 99BX01523
25 CE, 18 mars 1966, Etchegoyen précité.
26 CAA Bordeaux, 30 juillet 2001, Hydropic, req. n°° 99BX00770 et 00BX02060 (deux espèces). Contra, CE, 22 décembre 1950, Terrien, Rec., p. 636 à propos de la transformation de deux moulins en un seul dans lequel le juge a exigé que soit sollicitée une autorisation administrative.
27 En ce sens, par exemple, CAA Bordeaux, 14 juin 2001, Société Barthier et Société Continental Paper, req. n°97BX02208.
28 CAA Bordeaux, 14 mars 2002, SA Laprade Energie. En ce sens aussi, J. Poiret, Droit de l'hydroélectricité, Economica, Tome I, 2004, p. 562 ; P. Sablière, note sous CE, 5 juillet 2004, SA Laprade Energie, AJDA, 2004, p. 2219, relève que le débat portant sur la perte du titre du fait du non-usage prolongé peut résulter d' une ambiguïté née de la jurisprudence relative à l'application des dispositions de la loi du 16 octobre 1919 concernant l'éviction des droits à l'usage de l'eau (art. 6 de la loi).
29 CE, 5 juillet 2004, SA Laprade Energie, Ibid ; CE, 16 janvier 2006, M. et Mme Arriau, req. n° 263010 ; CE, 7 février 2007, M. et Mme Sablé, req. n°280373. Dans l'affaire SA Laprade Energie, la prise d'eau était inutilisée depuis 1928 à la suite des dommages causés par une crue centennale. Pour ce qui est de l'arrêt Arriau, le moulin n'est plus utilisé depuis 50 ans tandis que dans le litige Sablé, l'étang en cause était asséché depuis 20 ans. Voir aussi, CE, 2 décembre 2004, Communauté de communes de Vère-Grésigne, req. n°237597. Pour des commentaires, outre P. Sablière, précité, voir, par exemple, M.-C. Rouault, « La non-utilisation d'un moulin ne remet pas en cause le droit d'usage de l'eau, fondé en titre, attaché à cette installation », La semaine juridique – Administrations et collectivités territoriales, n°53, 27 décembre 2004, 1846 ; J.-M. Février, 7 février 2007, DA, 2007, n°56.
30 Cass. 3e civ, 10 février 1999, consorts de la Cellery, pourvoi n° 96-14573.
31 Cass. 3e civ., 1er avril 1992, Ternet, pourvoi n°90-14066. Cet arrêt peut être rapproché de CE, 2 février 2004, Communauté de communes de Vere-Gresigne, où le juge souligne que si les exploitants avaient renoncé à toute exploitation agricole ou industrielle de ce moulin, cette circonstance n'était pas, « à elle seule, de nature à faire regarder le droit de prise d'eau attaché à cet ouvrage comme s'étant perdu ». Confirmation de CAA Bordeaux, 28 juin 2001, Poux, req. n°97BX01767.
32 Il est, par exemple, possible de calculer la force hydraulique nécessaire pour faire fonctionner l'outillage indiqué dans le titre.
33 Solution posée par l'arrêt CE, 20 mai 1881, Chalot, S. 1882.II.86 cité par P. Sablière, art. cit., p. 2224. Plus récemment, CE, 7 décembre, 1998, Sté hydro-mécanique, CJEG, 1999, jur., p. 286, note P. Sablière, qui prend en compte une augmentation de puissance survenue au 19ème siècle pour permettre le remplacement du moulin par une activité manufacturière textile puis papetière.
34 CAA Bordeaux, 30 mars 2000, Escot, n°97BX00181. Voir aussi, Cass. 3e civ., 8 février 2006, SCI Le Batifort précit., sur l'appréciation souveraine des juges du fond pour apprécier la consistance légale.
35 Par exemple, CE, 20 novembre 1903, Couten, Rec., p. 706.
36 Par exemple, CE, 10 février 1997, Julien, req. n°129748 ; CE, 7 décembre 1998, SARL Centrale Mazarin, req. n°12588. Certains arrêts suscitent néanmoins certaines interrogations. Par exemple, CE, 12 juin 1998, SARL SOFFIM, req. n°154900. Dans cette affaire, le juge administratif estime que ne peut être interdit un barrage considéré comme ayant des incidences négatives pour l'environnement dans la mesure où ledit barrage n'était pas « sensiblement » plus haut que celui de l'ancien moulin fondé en titre. L'accroissement du débit dérivé passait pourtant de 286 litres par seconde - soit la consistance légale - à plus de 20 m3 par seconde mais cette augmentation n'était pas imputable à la construction du barrage.
37 CAA Bordeaux, 24 juin 1999, S.A. CENTRALE DES VIGNES, req. n°97BX00513 où le juge administratif note que la société a procédé à des travaux de remplacement du barrage fondé en titre en pieux et fascines mis en place de façon saisonnière, en période de basses eaux, par un ouvrage permanent en enrochement sur plusieurs mètres de largeur modifiant la consistance de l'ouvrage. Confirmation de CE, 25 mai 1990, Mayrac, req. n°62-978. A noter que si l'augmentation de la consistance légale n'est pas autorisée et intervient sur le domaine public fluvial, l'usinier s'expose à une contravention de grande voierie, CE, 19 avril 1989, Maire, req. 81528.
38 CE, 28 juillet 1866, Héritiers Schifferstein, cité par J. Poiret, op. cit., p. 744. Voir aussi ce jour, CE, 28 juillet, 1866, Ulrich, rec., p. 885. Pour un exemple récent, CAA Bordeaux, 4 décembre 2003, Min. aménagement du territoire et del'environnement, req. n°99BX01523.
39 CAA Bordeaux, 30 mars 2000, Escot, précité.
40 CE, 18 février 1972, Sté Hydroélectrique de la vallée de Salles-la-Source, req. n°75965.
41 CE, 3 juin 1881, Pissevin. Dans le même sens, CE, 19 mars 1937, Cabrol, Rec., p. 369, « les pouvoirs imprescriptibles de police de l'administration ne sauraient être mis en échec par une longue possession alors même qu'elle remonterait à une période antérieure à l'abolition de la féodalité ».
42 L'article 109 du code rural était lui-même issu de l'article 14 de la loi du 8 avril 1898
43 CE, 11 octobre Lemoine, CJEG, mars 1983, Jur., p. 99.
44 CAA Nantes, 14 mars 2001, Epoux Chatelain, req. n°97NT01230.
45 CE, 11 juillet 1986, Ass. protectrice du Saumon pour le bassin de l'Allier et de la Loire, req. n°50996.
46 Pour un exemple jurisprudentiel, Cass. 3e civ., 8 février 2006, SCI le Batifort, n° pourvoi 03-17.144 et un commentaire Ph. Billet, art. cité.
47 CAA Lyon, 1 mars 2005, SARL DECOUR, req. n°00LY00737
48 CAA Bordeaux, 4 novembre 2003, Le Scouarnec, req. n°99BX02136, J. MOREAU, « Le propriétaire d'un moulin fondé en titre a droit à être indemnisé de la perte d'énergie hydraulique imputable à la mise en service d' un barrage », JCP, Administrations et Collectivités territoriales, n°5, 26 janvier 2004, 1052, p. 116
49 Pour des actions en responsabilité du fait de travaux publics ayant porté atteinte à l'alimentation en eaux d'ouvrages fondés en titre, CAA Bordeaux, 28 juin 2001, Poux, req. n°97BX01767 ; CAA Nancy, 4 août 2006, Commune d'Apach, req. n°05NC00906.
50 Pour des exemples jurisprudentiels à propos du risque d'inondations, CAA Marseille, 9 avril 2004, SARL SATEN, req. n° 99MA01428 ; CAA Nancy, 3 mars 2005, SCI Azimut, req. n°00NC01263 De même, à propos de la protection de la salubrité publique, CE, 13 janvier 1988, Synd. National de la production autonome d'électricité, req. n° 35009 35063. Voir aussi CAA Bordeaux, 4 novembre 2003, req. n° 99BX02136 à propos d' un barrage ayant pour objet d'assurer un débit minimum de salubrité, de répondre aux besoins en eau potable et en irrigation et de compenser des volumes prélevés par la centrale électronucléaire de Golfech
51 Ce texte reprend l'article 26 du code du domaine public fluvial qui lui-même procédait de l'article 45 de la loi du 8 avril 1898 et de la jurisprudence qui précédait les textes. En ce sens, CE, 23 janvier 1874, Lavigne, DP, 1875, III, 13. Pour d'autres exemples jurisprudentiels, voir, par exemple, CE, sect. 7 juillet 1939, n°60459, Vautrin, Rec., p. 458 ; CE, 2 juin 1978, Chatillon, Rec., p. 815
Maître Pierre CAMBOT, avocat
Spécialités Droit public, Droit de l’environnement, Droit de l’urbanisme,
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